Le vin dit « nature » a enfin son label.
Le vin méthode nature : une forte demande
Sur le site du label, une photo montre un nid douillet dans lequel se serrent une demi-douzaine d’oisillons duveteux. Comme une manière de dire que ce label est un nouveau-né mais qu’il grandira vite.
Reconnu par les instances officielles, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) — en mars, il déploie ses petites ailes. Au 1er septembre, il comptait 292 adhérents et, début novembre, son président, Jacques Carroget, également vigneron au domaine de La Paonnerie dans la Loire, confiait que la barre symbolique des 500 adhérents était désormais dépassée. Parmi eux, on trouve des producteurs de vin mais aussi des cavistes ou de simples sympathisants.
Il faut dire que la demande était forte de pouvoir fixer officiellement une définition, assortie d’un
cahier des charges précis, du vin nature. Désormais, celui-ci doit être certifié bio, issu de vendanges
manuelles, sans ajouts ni modification œnologique lors de la vinification (pas de filtration, de flash
pasteurisation, de thermovinification ni de procédés qui se terminent en « ion » et que le grand
public se garde bien d’approfondir). Et bien sûr, sans soufre ajouté, ou alors moins de 30 mg/1 (tandis
qu’un vin blanc sec conventionnel peut en contenir jusqu’à zio mg/1).
De quoi mettre fin au flou artistique qui entoure cette catégorie de vin en plein essor. L’appel à la
nature est un puissant levier marketing dans la production agroalimentaire. Or, sans définition
administrative, n’importe qui pouvait affirmer produire du vin naturel. On a ainsi vu fleurir le mot
« nature » et tous ses dérivés imaginables sur les rayons de la grande distribution, pour des vins
pourtant triturés à l’extrême, enrichis par exemple en vitamine C pour remplacer l’usage du soufre. Il
était grand temps de poser un cadre formel.
Le logo « Vin méthode nature » devrait donc estampiller quelques centaines de cuvées d’ici à début
2021, quand le millésime 2020 sortira à la vente. Le cahier des charges étant assez strict, le label
devrait rester confidentiel, avec un circuit de vente certainement restreint aux cavistes spécialisés.
Mais, sans pour autant garantir que le vin est bon, il certifie une production peu interventionniste et
rassure le consommateur à la recherche d’un vin artisanal qui respecte les engagements de
l’agriculture biologique. De la transparence, de la fiabilité, voilà qui nous manquait en 2020. On ne va
pas bouder les bonnes nouvelles.
« Vin de France » : vignerons en liberté
La création de ce label suscite depuis dix ans de vives altercations. Le nom d’abord. Faut-il dire « vin nature » ou «vin naturel» ? Le débat n’est toujours pas tranché.
La réglementation européenne ne reconnaît pas l’utilisation du terme « vin naturel» :
comment départager ce qui est naturel de ce qui ne l’est pas ? Aux yeux des consommateurs, tout ce qui est naturel est meilleur. Sauf quand il s’agit de tornades, d’inondations, de sécheresses, de bactéries toxiques ou de virus mortels. Bref, cantonnons-nous à l’image d’une fleur
dans un champ quand on pense à la nature. La charte à respecter a également posé question : fallait-il interdire la filtration, procédé qui a tendance à lisser les arômes mais qui permet d’éliminer toute bactérie du vin ? Fallait-il interdire tout ajout de soufre ou en autoriser une portion congrue qui facilite la stabilité et la conservation du vin? Il y aura deux autocollants différents à poser sur les bouteilles, selon la décision du producteur.
Plus largement, les tenants de ce type de vin ont appris à se méfier des étiquettes. Régulièrement
retoqués des appellations d’origine contrôlée lors des séances de dégustation, car le goût ne collait
pas avec l’image parfois stéréotypée qu’on en attendait, frustrés de se voir interdire l’utilisation de
cépages qui ne figurent pas dans les cahiers des charges des appellations, lassés de se voir imposer
des traitements ou des pratiques obligatoires pour bénéficier de l’agrément bio ou biodynamique,
certains vignerons préfèrent se tenir à distance de toute certification.
Ils s’épanouissent dans la catégorie simple et peu contraignante du « Vin de France ». Libre à eux de
varier les pratiques culturales d’une année à l’autre pour s’adapter au mieux au profil du millésime,
mais aussi de créer des cuvées éphémères, expérimenter, improviser, en somme se sentir libres.