Santé publique France et l’Agence nationale de sécurité sanitaire lancent une étude inédite sur l’exposition aux pesticides des riverains d’exploitation viticole.

L’étude n’a pas encore commencé, mais elle inquiète déjà la filière viticole. Au point que Bernard Farges, le patron du très influent Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a pris sa plume, début octobre, pour s’en émouvoir auprès de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et Santé publique France (SPF) ont annoncé, mardi 19 octobre, le lancement de PestiRiv, la plus grande étude d’exposition aux pesticides des riverains d’exploitation viticole conduite à ce jour en France. L’étude se déroulera en deux temps : d’octobre 2021 à février 2022, puis de mars à août 2022 pour inclure une période de traitements. Les résultats finaux ne sont pas attendus avant 2024.
Le représentant des viticulteurs bordelais prévient la préfète que son organisation ne participera pas à la prochaine réunion prévue le 10 novembre. Le Président du CIVB craint un focus sur le vignoble bordelais et ne veut pas que Bordeaux soit de nouveau le bouclier derrière lequel les autres vignobles français peuvent s’abriter. Le département ne sera pas le seul territoire concerné par PestiRiv. Les volontaires vont être recrutés à partir du 25 octobre sur 162 sites répartis dans six grandes régions viticoles de France : Nouvelle-Aquitaine, Grand-Est, Occitanie, Provence-Alpes-Côtes d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté.
Des analyses de cheveux et d’urines doivent être conduites auprès de 1500 adultes et 750 enfants vivant à moins de 500 mètres des vignes et à plus d’un kilomètre de toute autre culture. L’exposition de cette population sera comparée à celle de 750 adultes et 350 enfants vivant à plus de 5 kilomètres de toute exploitation agricole et à plus d’un kilomètre de toute autre culture. Ces analyses biologiques seront couplées avec d’autres mesures environnementales : présence de pesticides dans l’air et dans les légumes du jardin, usage de produits insecticides au domicile.
Maladie de Parkinson et leucémies pédiatriques
Une cinquantaine de pesticides, sur les quelques 400 autorisés en Europe, seront passés au crible : ceux qui sont à la fois les plus toxiques, les plus utilisés sur le raisin et/ou au cœur de controverses scientifiques. Seront en particulier recherchés le folpel, le glyphosate, classé cancérigène, ainsi que différents fongicides de la classe des inhibiteurs de la succinate déshydrogénase.
Le cas du folpel est emblématique, car il fait partie des 10 substances actives les plus fréquemment retrouvées dans l’air en France. Utilisé comme le mildiou , le « fongicide de la vigne » est considéré comme possible cancérigène par l’Agence européenne des produits chimiques. Plusieurs publications scientifiques montrent une association entre la survenue de pathologies, dans certains territoires, et la densité d’exploitations viticoles dans ces mêmes secteurs. Selon une étude française, la prévalence de la maladie de Parkinson est supérieure de 10 % dans les cantons où la vigne est la plus présente, par rapport à ceux où elle l’est le moins. D’autres travaux quant à eux, mentionnent une incidence légèrement accrue de certaines leucémies pédiatriques, en lien avec la proximité d’exploitations viticoles.
Cependant, ces études sont fondées sur des données uniquement géographiques : elles ne permettent donc pas d’associer les maladies en question avec des molécules et ou des familles de molécules. L’étude devrait aussi amener à établir une relation entre la proximité du domicile avec les parcelles et le niveau d’exposition des riverains. Et, ainsi, permettre d’appuyer sur des données solides. De son coté, le gouvernement a fixé, fin 2049 des ZNT beaucoup plus réduites : 3 mètres, 5 mètres, 10 mètres et, très exceptionnellement 20 mètres, en fonction de la dangerosité et du mode d’épandage des pesticides, ainsi que du type de culture concernée. Concernant les vignes, le gouvernement a obtenu la distance de 3 mètres.